Quatre mois après la remise en liberté de son épouse Véronique, auteur d’un triple infanticide qui a défrayé la chronique en juillet 2006, Jean-Louis Courjault publie sa version de l’affaire des « bébés congelés » dans un livre à paraître après-demain*. Lui-même avait été mis hors de cause après avoir été mis en examen pour « complicité d’assassinats » dans cette affaire.
En liberté conditionnelle depuis mai 2010, Véronique Courjault, 42 ans, a aujourd’hui trouvé un travail de secrétaire à mi-temps. « Elle a encore un énorme travail à faire », confesse son époux.
Ce livre que vous avez écrit, est-ce une façon de parler à la place de votre femme Véronique, puisqu’elle est tenue par la justice de ne pas s’exprimer?
JEAN-LOUIS COURJAULT. Pas du tout. Lorsque je lui ai parlé de ce projet pour la première fois, elle s’est montrée plutôt réticente. Pour elle, cela voulait dire que ça allait remuer toute cette histoire. Mais finalement, elle respecte ma démarche. Après tout, plein de personnes, extérieures à notre vie, donnaient leur point de vue, que ce soit des experts, des journalistes, des magistrats… J’avais besoin d’exprimer une parole vécue de l’intérieur, pour convaincre les gens.
Les convaincre de quoi?
Que l’on n’est pas dans un contexte de préméditation au sens juridique du terme, que ces femmes ne sont pas des monstres, qu’elles sont perdues devant la maternité pour des raisons que j’ignore, mais qu’elles sont prises d’une panique mystérieuse. Je me suis forgé une conviction légitime et sincère : ces femmes n’ont rien à faire en prison. C’est ce message-là que je veux faire passer.
Vous tentez de faire comprendre l’incompréhensible?
Je ne peux pas faire comprendre ce que je ne comprends pas encore complètement moi-même. En revanche, je suis certain des dix-huit années que j’ai vécues auprès de Véronique, je connais ma femme et je sais qu’elle est incapable de faire sciemment du mal à un enfant. C’est même la pire des choses pour elle.
Vos enfants sont adolescents, liront-ils ce livre?
Je l’espère. Cela dit, ils ont toujours tout su. Je préférais qu’ils apprennent ce qu’il se passait de ma bouche plutôt qu’ils le découvrent dans les journaux, ou au détour d’une insulte dans une cour de récréation.
Comment un mari peut-il ne pas se rendre compte que sa femme est enceinte?
Parce qu’il croit sa femme. Quand je lui demande si elle est enceinte, parce qu’elle a pris quelques kilos, et qu’elle répond non, je la crois. Il faut comprendre que ça ne se voit pas, que ça ne se sent pas. Le ventre d’une femme enceinte est dur, là ça n’a jamais été le cas! Physiologiquement, il n’y a quasiment pas de différence. Avant d’y être confronté, on ne connaît pas ces problèmes liés au déni de grossesse.
Comment réagissez-vous lorsque l’actualité met au jour d’autres cas similaires au vôtre, comme récemment dans le nord de la France?
Cela me glace le sang, cela me donne la chair de poule. Je pense au rouleau compresseur de la justice qui cherchera une réponse cartésienne, là où il n’y en a pas.
Vous évoquez également votre sentiment de culpabilité.
Forcément. J’étais aux premières loges et j’ignorais tout, et donc je n’ai rien fait. Il va falloir vivre avec cette culpabilité, qui est et sera toujours là.
Comment êtes-vous parvenu à soutenir votre femme et à préserver votre unité familiale?
Véro, je l’aimais et je l’aime toujours parce que je sais, et ça peut paraître étrange de le dire comme ça, mais elle ne m’a pas fait de « bébé dans le dos ». Je me suis retrouvé face à une femme en souffrance, non pas face à une femme qui voulait faire souffrir. Quand on voit celle qu’on aime souffrir, on n’a qu’une envie, c’est l’aider, c’est tout.
Pourtant elle vous a proposé, pendant son incarcération, de « reprendre votre liberté »?
Oui, mais je n’en ai jamais eu envie. Notre choix numéro un, c’était, on repart ensemble, on va morfler, mais on repart. Et le plan B… Eh bien, il n’y en avait pas! Ça va repartir. Ça repart.
Vous écrivez penser toujours à ces bébés que votre épouse a tués.
Quand je repense à ces bébés, je me dis que c’est un énorme gâchis, des vies gâchées, et cela me donne la chair de poule. Je ne les ai jamais oubliés, je ne les ai jamais ignorés. Ils portent notre nom, ils ont une sépulture. Nous avons vécu un drame, il faut recoller les morceaux.
* « Je ne pouvais pas l’abandonner », Editions Michel Lafon.
http://www.leparisien.fr/faits-divers/bebes-congeles-le-poignant-temoignage-de-jean-louis-courjault-28-09-2010-1085599.php
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