samedi 1 décembre 2012

Michel Sardou : "Certaines de mes maladresses m'ont coûté cher"

Des Lacs du Connemara à Musulmanes, Michel Sardou entreprend vendredi au Havre une longue tournée qu'il consacrera entièrement à ses "grands moments". Le chanteur donnera une quarantaine de concerts jusqu'au 23 mars 2013 à Grenoble, après être passé aussi par la Belgique et la Suisse. Le chanteur, qui a publié fin octobre un best of également intitulé Les grands moments, sera notamment à Paris-Bercy du 12 au 14 décembre.

Fidélité

L'idée d'un tour de chant où il n'interpréterait que ses "gros succès" lui a été suggérée par son chef d'orchestre, Jacques Veneruso. "Les gens sont fidèles à ce qu'ils ont aimé, estime le chanteur. À la sortie de mes concerts, ils me demandent toujours, mais pourquoi vous n'avez pas chanté celle-là ? C'est la mienne", explique Michel Sardou à l'AFP. "Ils ont tendance à s'approprier les chansons qui ont marqué des moments de leurs vies. Moi le premier d'ailleurs", dit-il, confiant avoir un jour "engueulé Elton John" parce qu'il n'avait pas chanté "sa" chanson Tonight lors d'un concert.
Pour concocter ce spectacle de deux heures, la difficulté a été de "réarranger les titres sans les déformer". "S'il me prenait l'envie de chanter La maladie d'amour en jazz, j'irais à la catastrophe. Il faut qu'à la quatrième mesure les gens aient reconnu la chanson, mais qu'on les surprenne avec de nouveaux sons, un découpage différent. Il y a certains grands succès qui ne vieillissent pas, et on ne sait pas pourquoi. D'autres se sont un peu figés, ça vient souvent des paroles, d'expressions des années 1970-1980", explique le chanteur, qui a commencé à écrire à 19 ans comme "nègre de nègres".

Polémiques

"J'écrivais 7-8 chansons par jour et parfois je ne me rendais pas compte qu'il y avait des maladresses. Certaines de ces maladresses m'ont coûté assez cher d'ailleurs, puisque j'ai eu des réactions très violentes", se souvient-il. Michel Sardou a pris l'habitude de modifier sur scène les paroles de certains de ses titres pour "dire la même chose de façon plus légère". Mais jamais pour "masquer les positions qu'on a bien voulu (lui) prêter", dit-il. Depuis les années 1970, ses textes ont régulièrement suscité la polémique et l'ont souvent conduit à être taxé de sexisme, d'homophobie ou de racisme.
"Est-ce que ça m'a touché ? Oui et non. Je trouvais ça un peu disproportionné parce que ce ne sont que des chansons. Dans chaque chanson, 10 % correspondent à ce que je suis, mais tout le reste, c'est une histoire, comme un acteur qui joue le rôle de méchant dans les films", confie-t-il. Il dit d'ailleurs être "de tout coeur" avec le rappeur Orelsan, attaqué pour s'être mis dans la peau d'un homme violent dans la chanson Sale pute. "C'était ridicule de lui faire un procès d'intention alors que c'est un type qui est complètement dans son métier, qui fait son boulot, plutôt pas mal d'ailleurs. Il y aura toujours des cons, c'est rassurant", estime-t-il.

"Le monde marche sur la tête"

Lui, dont les textes sur l'état de la société sont souvent teintés de pessimisme, trouve l'époque "un peu sombre" pour en faire des chansons. "J'ai l'impression que le monde marche sur la tête aujourd'hui : ces guerres partout qui peuvent déboucher sur une guerre totale à n'importe quel moment, cette haine qui ressort, cette opposition des uns contre les autres... Peut-être que je ferai une chanson là-dessus, mais tout de suite, je n'en ai pas envie", dit-il.
Si le chanteur de 65 ans n'a pas de projet de nouvel album "pour l'instant", il compte déjà retourner au théâtre en 2014. "Je reste persuadé qu'on fait le plus beau métier du monde, que ce soit comédien de théâtre ou chanteur. Le jour où je m'ennuierai, je crois que je ne dirai rien à personne, je rentrerai chez moi et je m'occuperai de mes chevaux", avoue-t-il.

http://www.lepoint.fr/culture/michel-sardou-certaines-de-mes-maladresses-m-ont-coute-cher-27-11-2012-1534077_3.php

vendredi 30 novembre 2012

Le feu et les cendres

Un nouveau chapitre des Tréteaux de France a commencé. Ce centre dramatique national n'est pas le plus visible parmi nos structures subventionnées ! Il a plutôt pour mission d'être invisible, d'aller là où le théâtre est absent ou peu présent, d'occuper des salles des fêtes peu équipées ou de planter son chapiteau sur des terrains municipaux. Noble et ingrate tâche qui fut assurée à la création par Jean Danet et dont s'était chargé Marcel Maréchal ces dernières années. Le remplacement de Marcel Maréchal a été un peu rocambolesque.

Francis Huster a accepté la direction mais a tant voulu transformer cette institution nomade qu'on a cherché un autre saltimbanque, moins chien fou. On a trouvé : c'est Robin Renucci, acteur vedette mais aussi passionné de la transmission du théâtre et du patrimoine culturel dans les milieux culturels, comme il l'a prouvé à travers les rencontres qu'il organise dans ses villages de Haute-Corse. Depuis le début de l'année, Renucci s'est attelé à la tâche. Une première initiative, en cours, a été éclatante : il s'est associé à Christian Schiaretti, patron du TNP de Villeurbanne, pour faire circuler un peu partout le Ruy Blas de Victor Hugo, fastueuse production où Renucci joue lui-même l'un des rôles principaux. La seconde initiative consiste à créer des spectacles plus modestes qui peuvent être donnés dans les lieux les plus divers. Ainsi le nouveau chef des Tréteaux vient-il de mettre en scène Mademoiselle Julie de Strindberg, que nous avons pu voir dans l'Eure-et-Loir, à l'Atelier à spectacles de Vernouillet.

Strindberg bouscule toujours !


Le choix de la pièce est judicieux. En contant une nuit de la Saint-Jean où une jeune fille noble provoque un domestique, a une relation sexuelle avec lui et fait face ensuite à ce qui résonne comme un effrayant dégât, Strindberg n'a pas parlé que de son temps. Le public d'aujourd'hui ressent moins fort le scandale qu'en 1888. Mais la violente mise en relief de la sexualité ne s'est pas atténuée. Et le sourd climat de lutte des classes ne s'est pas non plus éventé. Peu importe les aristos, les différences de condition n'ont pas tellement changé dans nos sociétés ! La verdeur des mots peut même parfois surprendre le public des Tréteaux, qui, souvent, ne connaît pas l'oeuvre qu'il vient voir. Ainsi quand, au petit matin, le domestique lance à sa partenaire de la nuit "une putain est une putain", les spectateurs frémissent, sont choqués. Strindberg bouscule toujours !

Robin Renucci a conçu un spectacle épuré. Tout se passe dans une large cuisine, où feux et arrivée d'eau fonctionnent à gauche et où s'étire, à droite, une longue table. La lumière est le plus souvent tamisée (peut-être trop pour des salles hautes et longues, comme à Vernouillet). Le style est d'un réalisme méticuleux où s'inscrit peu à peu une certaine anomalie. À un moment, un mystérieux personnage portant des cornes de cerf passe et jette de la poudre. Tout est vrai et cru, mais la perception peut vaciller dans le dérèglement de la nuit de la Saint-Jean où l'être humain vire au fantôme.

Convaincante sobriété


Dans le rôle de Julie, Maryline Fontaine est impressionnante quand elle traduit la brutalité, l'arrogance, la férocité du personnage. Elle trouve moins bien la blessure, le sentiment de défaite quand Julie découvre les conséquences de son geste de folie sensuelle. Elle n'en est pas moins forte et crédible. Dans le rôle de Jean le domestique, Thierry Godard met bien en valeur la vraie nature, quasiment comptable, du majordome : ce n'est pas un passionné, il mesure les avantages de son métier avant d'être un sensuel ou un sentimental. Le comédien arrive pourtant à donner à Jean quelque chose de tendre. On le joue, habituellement, d'une façon plus sèche, ignoble parfois, ce qui donne plus d'intensité à l'affrontement. Mais cette relative douceur est bien vue aussi. Dans le dernier rôle, celui de la cuisinière attachée aux conventions sociales, Nade Dieu est d'un jeu très exact.

Peut-être le climat de fin du monde qui s'instaure à la fin de la pièce aurait-il pu être davantage accentué. Mais la première mise en scène de Renucci pour ses Tréteaux de France - qu'il fait suivre d'un débat qu'il anime lui-même - est d'une convaincante sobriété. Elle trouve le feu, plus que les cendres laissées par un tel flamboiement. C'est un beau second chapitre, après Ruy Blas et avant L'école des femmes de Molière la saison prochaine (Renucci y jouera Arnolphe sous la direction de Schiaretti).

Mademoiselle Julie, mis en scène de Robin Renucci, en tournée : Granvilliers (8 février), Péronne (12 février), Maurepas (23 février), Bastia (1er mars), Saintes (7-8 mars). Toulouse (14-15 mars). Traduction de Terje Sinding aux éditions Circé (on relèvera la qualité des beaux programmes édités par les Tréteaux de France et remis aux spectateurs).

http://www.lepoint.fr/culture/coups-de-coeur/le-feu-et-les-cendres-24-11-2012-1532985_792.php
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dimanche 25 novembre 2012

La grande expo Chaumel à l'Espace EDF Bazacle

Elle a tout fait : du reportage, de la mode, du portrait. L'œuvre multiforme de la photographe toulousaine Germaine Chaumel est exposée à EDF Bazacle pour trois mois et c'est très réussi.
On était resté sur une bonne impression : celle procurée par la belle exposition «Germaine Chaumel, photographe humaniste», organisée à Odyssud-Blagnac fin 2007. On est encore plus emballé par un nouvel hommage rendu à ce diable de reporter devenu un as du studio, à l'Espace EDF Bazacle, à Toulouse. La scénographie fait bien respirer l'œuvre de Germaine Chaumel (1895-1982) et tout se complète à merveille : les tirages d'époque et ceux plus récents, les grands panneaux et les vitrines réunissant des archives. C'est à la fois riche et aéré, bien équilibré entre témoignage historique et travail purement photographique.
250 tirages ont été sélectionnés par les Archives municipales, qui devraient acquérir prochainement ce fonds de 20 000 négatifs. La promenade se fait à la fois de façon chronologique (des débuts de reporter en 1935 jusqu'aux portraits réalisés en studio dans les années 40 et 50) et par thème (sport, reportages d'actualité, mode, recherche formelle, paysages…)
Et tout attire l'œil, en flattant le pittoresque mais pas seulement. Bien sûr, on s'amuse à voir la mode des chapeaux, les visages d'enfants joliment croqués, les nus académiques mettant en valeur des corps généreux, l'acteur Michel Murano en gladiateur d'opérette ou le mage Janco fronçant les sourcils. Mais Germaine Chaumel, quand elle raconte l'exode des Républicains espagnols ou la Libération de Toulouse, sait aussi créer l'émotion sans utiliser d'artifices.
Pilar Chaumel est la première à visiter cette exposition consacrée à sa grand-mère. Si fière de tout ce qu'elle a pu faire. «Germaine, je la voyais comme quelqu'un de très gai, cultivé, vivant. Mais en même temps, elle était très modeste. Elle ne nous parlait jamais de photo. A partir du moment où elle avait arrêté, elle était passée à autre chose avec la même passion. Quand Jean Dieuzaide venait la voir pour évoquer une exposition au Château d'Eau (qui aura finalement lieu en 1994, NDLR), elle riait et répétait : ça ne m'intéresse pas. »
L'hommage d'aujourd'hui est aussi destiné à Paqui Chaumel, fille de Germaine et mère de Pilar. Dans la superbe maison de Blagnac, la vieille dame, aujourd'hui décédée, veillait au trésor familial, tentant de le faire revivre avec l'énergie d'une convertie. «Elle a consacré la dernière partie de sa vie à cette œuvre, explique Pilar Chaumel. Avec cette exposition, nous défendons aussi sa mémoire, toute la passion qu'elle a mise à toujours montrer le travail de ma grand-mère».
Exposition «Germaine Chaumel, profession photographe», jusqu'au 24 février à l'Espace EDF Bazacle (11, quai Saint-Pierre), Toulouse. Ouvert du mardi au dimanche de 11 heures à 18 heures. Gratuit. Tél.0562301600.
Également beau catalogue «Germaine Chaumel, femme photographe», co édité par Privat et les Archives municipales (186 pages, 26€).

http://www.ladepeche.fr/article/2012/11/21/1494352-la-grande-expo-chaumel.html