samedi 8 janvier 2011

Le Cadre Noir de Saumur part à la conquête de la Chine

Symbole de l'excellence à la française dans le dressage équestre, le Cadre Noir de Saumur a signé un "fabuleux contrat" avec la Chine pour la fourniture à partir de la mi-2011 de près de 3.000 chevaux
À force d'écumer chaque année les quatre coins de la planète pour y faire briller les couleurs françaises, à l'instar de la haute couture, des parfums ou de la gastronomie, cet escadron prestigieux commence enfin à engranger les bénéfices.


Au-delà des succès d'estime emportés en Asie, dans les pays du Golfe ou en Amérique, le Cadre Noir a remporté un contrat avec la province chinoise du Shandong, au sud-est de Pékin, qui l'a chargé de restructurer sa filière équine dans une opération programmée sur les trois prochaines années au moins.


A la clé, une commande de près de 3.000 chevaux de selle français et toute une filière de formation à mettre en place en Chine et sur les bords de la Loire.


"Sachant que le prix moyen d'un selle français est d'environ 20.000 euros, le terme de 'fabuleux contrat' n'est donc pas usurpé. Il concerne toute la filière équine française", explique Robert d'Artois, directeur de cette école créée par le roi Henri IV à la fin du XVIe siècle.


"Sans dressage idéal, un selle français ne sera jamais qu'un selle français. Nos écuyers iront donc là-bas, avec des vétérinaires, des maréchaux-ferrants et des soigneurs. Il faudra aussi accueillir des cavaliers chinois dans notre école. Tout est à faire", ajoute le directeur.


La Chine avait mis en long sommeil sa filière équine qui avait pourtant participé à la gloire de ses derniers empereurs.


Le Cadre Noir a remporté la mise après avoir entraîné l'équipe chinoise en vue de ses Jeux olympiques, avec à la clé un résultat inespéré: une médaille de bronze en dressage par équipe et une autre en individuel pour la délégation chinoise.


CONCURRENCE FÉROCE


Robert d'Artois reste plus discret sur d'autres contrats à venir, mais des contacts suivis ont lieu avec certains pays traversés par ses écuyers tels que la Hongrie ou le Qatar.


"La concurrence est féroce", dit-il.


En matière de dressage pur, en revanche, le Cadre Noir craint de moins en moins ses concurrents directs, à savoir l'école espagnole de Vienne, l'école andalouse de Jerez ou l'école portugaise de Lisbonne.


"Dans le métier, beaucoup estiment désormais que même Vienne est passé derrière nous. Ils ont sans doute raison", dit-il.


Le budget annuel de Saumur est de 11,5 millions d'euros, avec 40% d'autofinancement, pour 160 salariés, dont 142 écuyers qui dépendent du ministère des Sports et de celui de la Défense.


"Le Cadre Noir, c'est aussi six manèges, 50 kilomètres de pistes, 16.000 fers à cheval par an et 6.000 tonnes de crottin, que nous commercialisons, bien sûr. C'est un formidable engrais", souligne Robert d'Artois.


Le succès remporté sur le marché chinois est aussi le résultat des galas réalisés par le Cadre, pour un budget moyen d'un million d'euros chacun: 40 chevaux sur la route ou dans des avions spéciaux, 25 écuyers, 10 soigneurs, un vétérinaire et le staff de l'école sillonnent la planète quatre fois par an.


Pour le maire de Saumur, Michel Apchin, les retombées sont très intéressantes. "Tout comme les vins de Loire, le Cadre Noir représente pour notre ville et notre région un formidable vecteur de reconnaissance en France et à l'étranger", dit-il.


PAS DE FIORITURES


Jean-Jacques Boisson, maître-écuyer en second du Cadre Noir, préfère évoquer la spécificité de l'école.


"Il s'agit pour nous de faire refaire à un cheval de race, dans un manège et à la demande, des gestes qu'il exécutait naturellement à l'état sauvage, dans sa jeunesse. Ce qui signifie quand même pour l'écuyer des milliers d'heures de travail et d'abstinence au service de l'animal", dit-il.


Courbette, quand le cheval dresse ses antérieurs, croupade, quand il s'agit des postérieurs, et cabriole - les deux à la fois en une sorte de saut sur place - en sont le résultat.


Chaque écuyer dresse en même temps six à sept chevaux, qui doivent tous être montés chaque jour, et la vie d'un écuyer de Saumur relève plus de l'apostolat équestre que de la balade.


"La notion de vacances nous échappe un peu. Les bords de plage sans nos chevaux, très peu pour nous", dit Jean-Jacques Boisson.


L'autre homme fort du Cadre Noir, Fabien Godelle, maître des manèges, ajoute que "le Cadre Noir, c'est l'école de la légèreté, de la rigueur, de l'austérité. C'est la chasse au mouvement inutile pour le cheval".


"Nos chevaux sont juste nattés à la française et nos habits sont noirs, sans fioritures, pour mieux nous effacer face au travail du cheval", souligne-t-il.


"Plusieurs fois, dans le cadre de galas, on a voulu nous faire faire des fioritures, se souvient Fabien Godelle. Ça a été non, et ça restera non. Nous ne sommes pas dans le show, les frasques et les paillettes. Ce serait renier ces milliers d'heures passées sur nos chevaux dans un corps à corps le moins contraignant possible pour eux."


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