lundi 18 juillet 2011

Entre ténèbres et couleurs, le monde fantastique d’Odilon Redon

On entre dans cette exposition comme dans un songe peuplé de créatures hybrides, monstres embryonnaires, insectes humanisés, squelettes sardoniques... Ce bestiaire fantastique est l’univers d’Odilon Redon, Prince du Rêve, qui se déploie au musée Fabre dans une splendide scénographie signée Martin Michel. Ce labyrinthe coloré, aéré et élégant transcende l’oppressante rétrospective du Grand Palais, à Paris.
Redon est un artiste singulier, rarement exposé, car il embarrasse les historiens et les conservateurs. "Il affirme la prééminence de l’imaginaire et du subconscient au moment où triomphent le naturalisme et l’impressionnisme", dit Michel Hilaire, directeur du musée montpelliérain.

Ignorant le modernisme de Manet et de Degas, Redon cultive un romantisme hérité de Delacroix, accompagne le symbolisme (Mallarmé, Baudelaire), s’inspire des fantasmagories d’Edgar Poe, lui consacrant une série de lithographies dont L’œil comme un ballon bizarre. Avec L’araignée souriante (1882), ces figures inquiétantes, mais pas cauchemardesques, font la réputation de Redon.
L’autre particularité de l’artiste est de longtemps privilégier le dessin et la gravure pour composer une œuvre en noir et blanc, de petits formats. Maître de l’estampe, il ne craint pas de se confronter à Goya. Mais son art culmine avec des fusains aux charbons profonds et veloutés.
La notoriété de Redon, précurseur du surréalisme, est essentiellement liée à ses Noirs. Son passage progressif à la couleur, au début des années 1890, est beaucoup moins considéré, comme en témoignent les critiques de l’exposition à Paris. L’œuvre colorée de Redon n’est pourtant pas mineure. Elle obéit à une force intérieure, comme une élévation spirituelle permettant à l’artiste de quitter le royaume des ténèbres. "Malgré des commandes, Redon refusera de revenir aux Noirs", explique Michel Hilaire.
La Cellule d’Or, un visage bleu cobalt sur un fond d’or byzantin, est l’icône de cette seconde période. Cette peinture sur papier choque les visiteurs du Salon de 1894 mais enthousiasme les artistes nabis. Gauguin et le Japonisme inspirent certaines compositions florales. Redon travaille le plus souvent aux pastels. Ses poudroiements lumineux de jaunes solaires et de vermillons célèbrent des sujets religieux ou mythologiques.
À Montpellier, on découvre aussi des portraits inédits prêtés par la famille Fayet. Le doux portrait d’Yseult est un chef-d’œuvre : une végétation luxuriante cerne une jeune fille pensive. Redon matérialise ainsi le monde intérieur foisonnant de son modèle. Même en couleurs, l’artiste continue à rêver.
L’exposition est au musée Fabre de Montpellier jusqu’au 16 octobre, ouverte tous les jours (sauf le lundi) de 14 h à 18 h. Infos : 04 67 14 83 00.



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