vendredi 17 août 2012

Arenc-les crottes : Marseille, ville de sauvages !

Ce ne sont pas des punks ! Elles ont quelque chose de gracieux, non ?" À plat ventre sur le sol défoncé d'un entrepôt démantibulé du quartier des Crottes (15e) -"un super terrain de jeux"- la photographe Valérie Vrel n'est que tendresse pour ces petites plantes têtues surgies du bitume. Vous ne les voyez pas ? La jeune femme, elle, n'a d'yeux que pour ces frêles bouquets, comme de petites épiphanies offertes par la nature aux urbains que nous sommes. La plupart des Marseillais n'y prêtent pas attention, ou n'y verraient qu'un chiendent bien banal. Mais penchez-vous à hauteur de pétales et de feuilles, invite la photographe : vous verrez que Marseille recèle une incroyable biodiversité. Sous le bitume, prête à affleurer, cette ville est une jungle !
Voilà 25 ans que Valérie Vrel s'intéresse à cette flore qui repousse le béton, se faufile entre des pavés disjoints, les rails des trains. "Même petite, les mauvaises herbes m'ont toujours intéressée", constate la jeune femme qui, dans tous ses travaux, porte une attention particulière aux "mutations, ce qui disparaît et ce qui naît". À Marseille, ville comme un chantier à ciel ouvert, avec ses vastes zones d'arrière-port, Valérie est au paradis : ses sauvageonnes adorent les friches industrielles, les rues un peu délaissées, les anciens fiefs ouvriers. Là où la ville marque le pas, la nature regagne du terrain. Pour leurs formidables capacités d'adaptation, Valérie a baptisé ces plantes "les résistantes". On peut voir dans ses photos un brin de poésie - insolente, farouche, drôle parfois- mais aussi la base d'un travail scientifique. "Je ne suis pas botaniste, j'ignore le nom de mes résistantes, admet Valérie Vrel, mais je serais très heureuse de travailler en équipe, de rencontrer des gens qui savent !"
Et des "gens qui savent", ou simplement d'autres amoureux de "mauvaises graines" (voir le travail du "plantiste" rock'n'roll David Jeannerot Renet, qui sème le "fouillis végétal" sur les balcons des Parisiens et affuble ses compositions de noms de groupes, comme The White Stripes !), la France en fédère de plus en plus, autour du projet "Sauvages de ma rue". Lancé en 2011 par le Muséum d'histoire naturelle de Paris, et l'association Tela Botanica, ce programme invite les citoyens à recenser les espèces végétales dans leur immédiat environnement. Et à devenir ainsi les sentinelles d'une biodiversité urbaine qui reste à mesurer.
L'appel des scientifiques a été entendu : plus de 7000 observations ont déjà été réalisées par des citadins, de Paris à Montpellier en passant par... la cité phocéenne. En juillet, une quinzaine de Marseillais ravis de composer l'herbier gigantesque et inédit de leur ville, participaient ainsi à une journée d'observation, près du parc Longchamp. Quelque 25 espèces y ont été identifiées en quelques heures dans quatre rues seulement !
Pas étonnant dans une commune qui a cessé, voici deux ans, d'arroser ses trottoirs d'herbicides, afin de préserver nos nappes phréatiques et de favoriser le développement d'une biodiversité qui a tant à nous apprendre. Mauvaises herbes? Résistantes, on vous dit.
En savoir plus : le travail de Valérie Vrel est à retrouver sur son site ; le projet "Sauvages de ma rue" sur http://sauvagesdemarue.mnhn.fr

http://www.laprovence.com/article/developpement-durable/arenc-les-crottes-marseille-ville-de-sauvages

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