mardi 22 mai 2012

Raoul Bergougnan, Toulouse est son royaume

La traversée du désert du peintre toulousain Raoul Bergougnan, mort il y a trente ans, s'achève avec la superbe exposition du château de Laréole, voulue par Pierre Izard président du Conseil général de la Haute-Garonne, et qui rend justice au talent d'un artiste qui a marqué une génération de peintres et d'historiens de l'art.
Denis Milhau se souvient de lui pour lui avoir consacré, il y a quarante ans, comme conservateur, une rétrospective au musée des Augustins : « Il était extrêmement secret mais d'une bienveillance et d'une générosité exceptionnelles. Il était, timide et réservé. Comme artiste, il savait ce qu'il voulait, il était sûr du bien fondé de sa démarche, mais comme il était très exigeant envers lui-même, il était dans le doute et la crainte. Au moment de la rétrospective aux Augustins, il était tremblant, presque dubitatif. Il ne fait pas de doute qu'il s'inscrivait dans l'héritage des nabis. Son œuvre est aussi belle que celle de Vuillard. »

Attention aux autres

Sans doute, la personnalité de Raoul Bergougnan émerge-t-elle de l'ensemble de ses toiles où on perçoit son sens raffiné de la nuance, ce que son regard rajoute d'émotivité à la matière : elle cesse d'être inerte sous son pinceau. Mais en même temps la peinture ne dit pas tout. Ce qui rendait Raoul Bergougan attachant c'était une attention continue aux autres.
Pierre Latanne, son cousin germain, évoque dans la cour d'honneur du château de Laréole, son arrivée il y a presque soixante ans, à la gare Matabiau de Toulouse, au retour de Dien Bien Phu où il avait été blessé. « J'ai vu surgir de la nuit, il était 4 heures du matin, un homme en imperméable et chapeau qui s'est approché de moi, qui était soutenu par les infirmiers, et qui m'a demandé doucement : « C'est toi Pierrot ? ». Tout Bergougnan était là »…
Arlette Fauché, la femme du peintre Jacques Fauché, fut sa voisine, rue Dalayrac, et son élève aussi : « Il n'était pas possible de ne pas l'aimer, tellement il était respectueux de votre travail. Même quand vous n'alliez pas dans le sens de sa pratique personnelle. »
Même admiration chez le peintre Mireille Cangardell : « Il nous laissait être nous-mêmes, il nous aidait même à le devenir. Il ne s'imposait pas à vous. »
Annie Merle, peintre et poète, auteur de deux ouvrages sur la peinture toulousaine fut aussi l'élève du peintre : « C'était un homme au physique romantique d'artiste, à la crinière superbe, un professeur qui ouvrait la voie. Dans la discussion il suscitait une atmosphère d'écoute intimiste, presque secrète… À nos yeux, c'était une icône. »

Son fils, Yves

En dehors de sa passion pour la peinture, Raoul Bergougnan fut semblable à un des héros de Balzac qui s'écrie « Le jour où j'ai été père, j'ai compris Dieu ! »
« Raoul Bergougnan eut un fils Yves, génie reconnu du rugby, champion de France en 1947, à la carrière fulgurante. Un fils unique auquel le liait un amour exclusif… et partagé.
Quoiqu'il en soit de sa longue vie marquée du sceau de l'altruisme, Raoul Bergougnan, survit aujourd'hui au château de Laréole, au travers de ses toiles à la lumière tamisée, au travers de quelques beaux portraits grandeur nature qui nous restituent le jeune dandy qui partait en excursion cravaté et chaussé comme à la ville, et dont la nature élégante se lit à ciel ouvert au travers d'une création essentiellement urbaine. Pierre Cadars parle, lui, à son sujet, de « départs inassouvis ». Certes, mais notre redécouverte de cet artiste majeur du siècle écoulé n'en est que plus merveilleuse, surtout lorsqu'on considère que chez lui l'artiste et l'homme étaient de même trempe.
«C'était un homme au physique romantique d'artiste, à la crinière superbe, un professeur qui ouvrait la voie.»
http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/20/1357755-raoul-bergougnan-toulouse-est-son-royaume.html

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