lundi 6 février 2012

Les paysages d’Alsace perdus de Jean-Jacques Henner

De l’Alsace observée à l’Alsace sublimée. Voici le parcours que propose le Musée national Henner dans les paysages du peintre alsacien, plus célèbre de son vivant (1829-1905) pour ses portraits. Intitulée « De l’impression au rêve. Paysages de Jean-Jacques Henner », c’est la première exposition du musée depuis sa rénovation en 2009 – en fait, un nouvel accrochage thématique, avec un renouvellement de 65 % des tableaux présentés en collection permanente.
« Henner n’est pas un paysagiste, mais nous avons voulu montrer que son rapport au paysage est un leitmotiv dans son œuvre », explique Marie-Hélène Lavallée, directrice du musée. Dans sa jeunesse, il peint la campagne alsacienne avec réalisme et précision, puisant ses sujets dans son environnement immédiat : une Vue depuis la chambre à Bernwiller, la belle Route de Galfingen avec le vieux cerisier et la croix.
Mais il abandonne vite cette démarche pour travailler sur les couleurs, et restituer des effets atmosphériques – voir la Vallée de Munster, crépuscule après l’orage. Le Sundgauvien poursuit ce travail en Italie, où, pensionnaire de la Villa Médicis de 1858 à 1863, il capte les lumières méridionales dans ses toiles ( Baie de Naples).
Mais à partir des années 1870 et jusqu’à la fin de sa vie, Henner ne verse plus que rarement dans ce style. « La perte de l’Alsace, rattachée à l’Allemagne, marque une rupture dans le travail créateur de Henner, traumatisé par cet événement, comme beaucoup d’Alsaciens », indique Marie-Hélène Lavallée.
Placé dans le musée à côté du fameux L’Alsace, elle attend, le tableau Vue de Cernay, Alsace, dit de Troppmann Kinck, illustre parfaitement son traitement de ce genre pictural : « L’évocation est réduite à quelques motifs, un buisson, un étang, une prairie et quelques couleurs, brun, bleu, vert. Il confère à ce paysage pur, symbole de l’Alsace perdue et dont il rêve, un caractère immuable et intemporel. » Jean-Jacques Henner imagine ce décor sans quitter son atelier, et le peuple de nymphes et de naïades, des nus féminins en vogue qui assurent la fortune de l’artiste, devenu officiel.
« Aucune de ces scènes n’est contemporaine, mais Henner est en plein dans son époque », plaide la directrice du musée. Par son engagement dans la société : Henner courait les salons, où il défendait la revanche contre l’Allemagne, et le capitaine Dreyfus. Et par sa démarche artistique, que Mme Lavallée juge très contemporaine. « Dans certains tableaux, il y a une absence de distance avec le sujet : on rentre dans le paysage, en portant la focale sur une branche d’arbre ou une racine. Henner était l’ami des Impressionnistes, même s’il a refusé d’exposer avec eux en 1874. Car pour lui, l’exercice n’était pas une fin en soi; il recherchait un idéal de peinture. » Il a ainsi poursuivi, à la fin de sa vie, des recherches autour d’un seul sujet, une femme nue se détachant dans un ciel bleu. « Je rêve quelque chose et je n’arrive pas à réaliser mon rêve ; il faut trouver la forme et la couleur appropriée », résumait Henner.
Y ALLER Musée national Jean-Jacques Henner, 43 avenue de Villiers, 75017 Paris. Jusqu’au 2 juillet, tous les jours de 11 h à 18 h, sauf le mardi. Tél. 01.47.63.42.73 ou www.musee-henner.fr.

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