vendredi 11 novembre 2011

Césaire et Rimbaud, regard croisé de deux révoltés

Comme le poète ardennais, épris de liberté, en rupture avec les normes, Aimé Césaire s'est fait le héraut de la « négritude ». Une expo retrace la vie du poète martiniquais à la Vitrine

DEUX plumes de la poésie, deux icônes. L'amicale afro-antillaise des Ardennes présente à la vitrine des Ardennes une exposition retraçant la vie et l'œuvre d'Aimé Césaire sous le regard croisé d'Arthur Rimbaud.
Une association qui tombe à point nommé puisque, 2011, décrétée année des Outre-mers, coïncide avec le 120e anniversaire de la mort du poète carolo aujourd'hui.
Une rétrospective qui s'appuie essentiellement sur le numéro spécial « Césaire, le cahier d'une vie », édité par le journal martiniquais France-Antilles au moment du décès de Césaire, le 17 avril 2008.
Chacun appréciera la quasi-exhaustivité du portrait dressé du chantre de la négritude, de ses engagements politiques, à ses prises de position littéraires. Néanmoins, les panneaux, reproductions des pages du quotidien, forcément très écrits et peu aérés, peuvent rebuter le visiteur.
Mais l'essentiel n'est pas là. Ce sont les similitudes entre les deux poètes qui frappent. A une génération d'intervalle, Rimbaud l'Ardennais (1854-1891) et Césaire le Martiniquais (1913-2008) apparaissent comme deux personnalités avides de liberté.

Source d'inspiration

Mais aussi révoltées contre « l'ordre établi, les impostures, les bienséances, le conformisme », détaille Jean-Yves Farraudière, responsable culturel de l'assoce.
Les parallèles sont criants. Comme cette citation de Césaire, extraite d'une interview donnée en 1994, que ne renierait pas le Rimbaud adolescent, mourant d'ennui à Charleville : « En 1931, j'avais ressenti le besoin urgent de m'échapper, […] j'étouffais dans la petite société coloniale, […] ses préjugés et sa hiérarchie en classes et en races. J'ai donc foutu le camp avec joie. » Césaire y évoque son départ vers Paris en 1935 pour intégrer le lycée Louis-le-Grand.
Les voyages feront également partie intégrante de leur vie. Des envies d'ailleurs qui mèneront l'Ardennais en Afrique de 1880 à 1891. Alain Tourneux, conservateur des musées carolos, raconte ainsi que « jusqu'à son dernier souffle, à Roche, il disait qu'il voulait retourner en Afrique […] Rimbaud, sur une photo à 29 ans, s'est brûlé la peau au soleil. Il est devenu celui qu'il voulait être, il est parmi ceux qu'il appréciait. » D'où le surnom qui est donné à l'époque : le « nègre blanc ».
En matière de poésie, Rimbaud l'Africain et Césaire le « Nègre fondamental » n'hésiteront pas l'un comme l'autre à rompre avec les normes traditionnelles. Césaire, en pleine vague surréaliste, s'inspira sur la forme comme sur le fond, de Mauvais sang (1873), extraite d'Une saison en enfer pour rédiger son Cahier d'un retour au pays natal, entre 1936 et 1939.
Rimbaud y assimile « le nègre » aux exclus, aux innocents rejetés de la société honorable du XIXe siècle : bourgeoise et chrétienne. Un usage tout à fait à l'inverse de l'imagerie raciste et péjorative associée à ce mot à l'époque. Et le renversement des préjugés continue quand sous la plume de Rimbaud, les notables de la société, « magistrats, empereur, marchands », deviennent les « faux nègres ». Certains spécialistes voient ainsi une préfiguration de la négritude en citant ce passage : « Cris, tambour, danse, danse, danse, danse ! Je ne vois même pas l'heure où les blancs débarquant, je tomberai au néant. Faim, soif, cris, danse, danse, danse danse ! Les blancs débarquent. Le canon ! Il faut se soumettre au baptême, s'habiller, travailler. J'ai reçu au cœur le coup de grâce. »
Un discours qui parle à Césaire qui n'aura de cesse d'affirmer l'honorabilité et la fierté d'être « nègre ». Dans son Cahier, il écrira ainsi : « Et à moi mes danses, mes danses de mauvais nègres… la danse. Il est beau et bon et légitime d'être nègre. »

http://www.lunion.presse.fr/article/culture-et-loisirs/cesaire-et-rimbaud-regard-croise-de-deux-revoltes

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